Racisme à l’Ecole : comprendre pour agir

Situations

Concepts

Nous utilisons dans cet outil le terme « Afro-descendant.e.s » pour désigner les personnes perçues comme noires. Aucune terminologie n’est parfaite et de nombreux autres termes auraient pu être choisis pour désigner la population victime de racisme anti-Noirs. Il ne s’agit pas de trancher formellement si telle ou telle personne se trouve dans le groupe ou non, mais de regarder les effets du racisme anti-noirs sur les populations dites Afro-descendantes. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’essayer de catégoriser « l’autre » mais bien de questionner son propre regard.

La question de la terminologie est d’autant plus importante que, comme le souligne Mireille Thseusi-Robert [1], de nombreux efforts sont fournis pour chercher à qualifier au mieux, le plus dignement possible, toute une série de groupes sociaux fragilisés (personne porteuse de handicap plutôt que « handicapé.e », technicien.ne de surface plutôt que « femme/homme de ménage », demandeur.euse d’emploi plutôt que « chômeur.euse », …), mais peu d’efforts sont fournis pour chercher un qualificatif respectueux des populations Afro-descendantes.

Nous sommes tous et toutes composé.e.s de multiples appartenances, autant de facettes de notre identité, et nous mobilisons certaines facettes de notre identité en fonction des contextes dans lesquels nous évoluons. Certaines facettes de notre identité sont plus visibles que d’autres (l’orientation sexuelle ou certains handicaps restent invisibles tandis que le genre ou la couleur de peau le sont souvent davantage). La plupart de nos identités renvoient à des groupes sociaux d’appartenance : le genre renvoie aux groupes des hommes, des femmes, des intersexes, ... ; le statut social renvoie aux classes sociales ; l’orientation sexuelle renvoie aux groupes des hétérosexuel.le.s, homosexuel.le.s, bisexuel.le.s, asexuel.le.s,... ; la couleur de peau renvoie aux groupes des blanc.he.s, des Afro.descendant.e.s, des maghrébin.e.s, ou des non-blanc.he.s plus largement ; etc. Toute personne peut choisir de son propre chef de s’identifier à tel ou tel groupe social, mais le regard des autres la renverra constamment vers le groupe d’appartenance le plus évident à leurs yeux.

Le processus d’assignation identitaire illustre le fait de confiner, d’enfermer, une personne dans une seule de ses identités ou une des identités qu’on lui accole arbitrairement. En d’autres mots, assigner une identité à une personne consiste à lui renvoyer sans cesse son appartenance à un groupe social spécifique, sans savoir si oui ou non elle considère y appartenir, sans savoir si oui ou non cela lui plaît d’y être renvoyée. Assigner une personne à une identité illustre le fait de sans cesse voir cette personne à travers ce prisme sans envisager l’existence des autres facettes de son identité.

Dans cet outil, nous faisons références à certaines catégories, et notamment celles des personnes blanches et des personnes noires. Des termes qui renvoient instinctivement à une couleur et, surtout, qui suscitent généralement des craintes sur l’essentialisation de ces catégories.

Lorsque nous parlons de Noires ou de Blanches, nous ne faisons jamais référence à une quelconque réalité biologique ou naturelle, ni à l’existence de différentes races. Les enfants vous le diront mieux que nous : les Blanches ne sont pas blanches, mais roses, beiges ou jaunes clair, tandis que les Noir.es sont plutôt brun foncé ou brun clair.

Ces catégories sociales sont à comprendre sous un angle sociologique : elles renvoient à des constructions historiques qui influencent encore aujourd’hui sur la position sociale occupée par les individus selon leur assignation à tel ou tel groupe. Ces catégories ne sont donc pas naturelles, elles sont politiquement construites et évoluent dans le temps et dans l’espace.

Par exemple, une personne musulmane claire de peau qui ôte son foulard pour travailler au guichet d’une administration publique sera perçue différemment lorsqu’elle quittera le travail et replacera son foulard. La manière dont elle est perçue, les imaginaires dont elle est l’objet, sa manière de se mouvoir dans la société – bref, son vécu au quotidien – sont tout à fait différents selon qu’elle porte son foulard ou ne le porte pas. Ainsi, être perçu.e comme Blanche ou Noire renvoie à des questions de pouvoir, à la position sociale que l’on occupe, et à la manière dont cette position impacte notre vécu.

Cette approche n’est pas sans poser quelques problèmes qui ont été soulevés par le groupe de volontaires. Par exemple, comment se positionner en tant que personne métisse dans cette binarité Blanc / Noir ? De même, comment rendre compte de toute la diversité qui peut exister au sein même de la catégorie des personnes blanches ou des personnes noires ? Comment éviter l’écueil de l’essentialisation ? Au sein de ces groupes, certaines personnes sont riches, d’autres en situation de précarité. Certaines sont en situation de handicap, d’autre non. Les individus qui composent ces groupes sont divers de par leur genre, leur orientation sexuelle, leurs centres d’intérêt, leur situation familiale, leur lieu de vie, etc... Une infinité d’identités qui, elles aussi, évoluent et impactent le vécu social.

Notre objectif n’est absolument pas d’enfermer les individus dans des groupes raciaux essentialisés sur base d’une couleur de peau, d’une culture ou d’une religion, mais bien de questionner l’impact de ces marqueurs sur le vécu social des gens. Pour cela, il s’agit dans un premier temps d’isoler ces marqueurs en particulier, avant de pouvoir complexifier le réel par la suite.

À l’instar du patriarcat, la blanchité constitue une forme de système politique, une norme qui ne dit pas son nom mais qui structure profondément la société. Maxime Cervulle parle de la blanchité comme une « hégémonie sociale, culturelle et politique à laquelle sont confrontées les minorités ethnoraciales ».

La blanchité est à la fois :

  • omniprésente : elle structure l’ensemble de la vie sociale et produit des privilèges pour celles et ceux qu’elle inclut en son sein ;
  • et "invisible" : elle ne dit pas son nom et les privilèges qu’elle produit ne sont pas perçus comme tels par celles et ceux qui en bénéficient mais comme des évidences. Et lorsqu’ils sont nommés et cessent d’être l’évidence, ils continuent de faire l’objet d’un profond déni. Notons que pour les personnes exclues de cette norme, elle est au contraire particulièrement visible.

Bien entendu, une société structurée autour de la blanchité ne signifie pas que toutes les personnes blanches sont privilégiées en soi, dans toutes les situations, à tout moment du jour et de la nuit. Une personne blanche peut également subir toute une série de violences et discriminations liées, par exemple, à son genre ou à son statut socioéconomique. Mais toutes choses égales par ailleurs, le fait d’être perçu.e comme blanc.he restera un avantage.

La charge raciale est un concept développé par la chercheuse et professeure Maboula Soumahoro et qui désigne cette « tâche épuisante d’expliquer, de traduire, de rendre intelligibles les situations violentes, discriminantes ou racistes ». Et d’agir en conséquence. Evoluer en tant que personne racisée dans un monde structuré autour de la blanchité demande une capacité d’adaptation permanente aux situations pour tenter de se « fondre » dans la norme, de la résilience pour rebondir après un épisode traumatisant ou encore une capacité de contrôle de ses émotions pour entamer le dialogue avec une personne susceptible de tenir des propos racistes à tout moment.

Cette charge raciale occupe une place immense dans l’espace mental des personnes racisées, notamment en termes d’impact sur la santé mentale. À l’inverse, une personne appartenant au groupe dominant peut traverser sa journée sans craindre d’être renvoyée négativement à sa couleur de peau ou sa race sociale, sans devoir dépenser d’énergie particulière pour anticiper ou gérer ces violences.

Par exemple, en tant que personne blanche, si je suis en retard, il y a plein de raisons possibles qui seront envisagées (panne de réveil, embouteillages, ...), mais le fait d’être blanc.he n’en sera pas une. À l’inverse, une personne noire qui arrive en retard lors d’une réunion renforce un stéréotype déshumanisant qui existe au sujet du groupe social auquel cette personne est assignée. De même, je n’ai pas peur, en me levant le matin, que mes enfants soient renvoyés de manière déshumanisante et violente à leur appartenance raciale, que ce soit à l’école, à la télévision ou dans les spectacles pour enfants.

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Pour beaucoup, le terme race est problématique et suscite le malaise. En effet, nous savons aujourd’hui que le concept de race n’a aucune existence scientifique. Cela étant, la disqualification scientifique du terme race n’entraine en rien une suppression des effets sociaux produits par la race en tant que rapport et technique de pouvoir. D’une part, parce qu’une société et ses individus ne sortent pas indemnes de plusieurs siècles de racialisation. Ces imaginaires sont profondément ancrés dans nos mentalités et dans nos structures sociales, sans avoir été déconstruits. Et d’autre part, parce que le racisme est un système de pouvoir qui évolue et s’adapte. Depuis les années 1980, la rhétorique des discours racistes a évolué : les individus ne sont plus ciblés sur base raciale mais sur base culturelle. Ce sont donc des considérations culturelles et non plus biologiques qui sont mises en avant pour hiérarchiser les groupes. On ne parle plus de hiérarchie des races mais bien de styles de vie inconciliables, de différences culturelles incompatibles. Ces discours appuient la « protection des « nous » », la « protection de « notre » style de vie, de « notre » culture ». Un « racisme sans race » qui semble plus acceptable mais qui repose sur la même logique et continue de produire les mêmes effets sur celles et ceux qui le subissent.

Ces discours, combinés à l’approche colorblind du racisme (on dit ne pas voir les couleurs tout en reproduisant des schémas qui perpétuent les inégalités racistes) sont un moyen puissant du système racisme pour invisibiliser ou justifier les inégalités racistes.

Bien souvent, les personnes blanches ne supportent pas d’être bousculées dans leur confort racial. Lorsqu’elles sont mises en lien avec du racisme, cela suscite chez elles des émotions intenses (étonnement, colère, indignation, culpabilité) et des réactions prévisibles. Parmi ces dernières, l’argumentation et la justification : « non, ce n’est pas raciste, parce que... ».

Derrière les multiples arguments qui suivent le plus souvent (parce que je suis une bonne personne, parce que j’ai un ami noir, parce que ce n’était pas mon intention, parce que tu m’as mal compris.e, ...) se cache une compréhension extrêmement pauvre du racisme. Une vision morale, totalement déconnectée de l’histoire et des rapports sociaux de pouvoir. Le racisme devient principalement la peur ou la haine des différences, alors qu’il est un système de domination qui crée ces différences et les hiérarchise. Comment expliquer cette ignorance, en dépit du savoir existant ? Comment est-il encore possible de ne pas savoir ?

Cette ignorance découle notamment du vécu de domination lui-même : nous sommes, en tant que personnes blanches, socialisées de manière « à ne pas savoir ». En ne vivant pas l’oppression raciste et en grandissant dans une société modelée à notre image, nous nous trouvons isolées de toute violence structurelle liée à la race. Cela dit, pour le philosophe Charles Mills [2], cette ignorance blanche ne renvoie pas au seul fait de ne pas savoir dans le chef d’individus pris individuellement. Il s’agit plutôt d’un prisme, d’une manière de voir le monde, une sorte de « dysfonctionnement cognitif socialement avantageux » par lequel les sujets blancs se trouveraient « pris au piège d’une blancheur aveuglante éclipsant la réalité des rapports sociaux » [3].

Cette perception de l’ignorance ne doit pas pour autant nous sembler déresponsabilisante. Comme le rappelle Anne-Laura Stoler [4], le terme d’ignorance est étymologiquement lié au verbe ignorer, verbe actif qui désigne le fait de se détourner de quelque chose. Cette ignorance est entretenue car elle est nécessaire au groupe majoritaire pour préserver le statu quo. Ainsi, l’ignorance devient du déni, une ignorance entretenue.

Pour plus d’informations à ce sujet, lire le chapitre IV de cette publication et les sources qu’il propose.

Les personnes blanches ne sont pas structurellement confrontées aux violences racistes. Elles peuvent vivre leur vie sans considérer que le racisme ou la race les concerne. Elles ne risquent pas de se voir régulièrement discriminées à l’embauche ou contrôlées par la police en raison de leur couleur de peau. Elles peuvent se penser comme absolument non racistes, tout en faisant partie du système raciste et en en retirant des avantages. Tout cela, elles ont le luxe de pouvoir l’ignorer. Et de pouvoir l’ignorer collectivement. Nous pouvons appeler cela le confort de l’ignorance.

Que se passe-t-il lorsqu’elles sont confrontées à cette ignorance ? Lorsqu’elles sont interpellées sur le caractère raciste de certains de leurs propos, réflexes ou attitudes ? Comment réagissent-elles lorsqu’elles sont renvoyées à leur blanchité ?

Presque systématiquement, lorsque les personnes blanches se retrouvent dans une situation d’inconfort racial, cela suscite des réactions émotionnelles très intenses : du stress, de la colère, de l’indignation, de la surprise, de la peur, de la tristesse, de la culpabilité, ... Fortement imprégnées par la perception morale du racisme (le racisme, c’est mal), elles prennent ces interpellations comme une forme d’attaque personnelle, comme une remise en cause de leur intégrité morale. De ces émotions vont découler des réactions très prévisibles qui ont pour objectif de rétablir une situation confortable dans laquelle elles ne sont plus mises en cause : nier, relativiser, minimiser, justifier, trouver une autre explication, se victimiser, ... Cet ensemble d’émotions, décrit par Robin Di Angelo, peut être repris sous le vocable de « fragilité blanche ».

Au final, ces réactions et émotions ont une fonction sociale puissante : rétablir le statu quo en balayant l’interpellation de départ. Et sur le plan individuel, elles vivent à rétablir une situation confortable pour les personnes blanches, tout en produisant une nouvelle violence pour les personnes racisées qui osent dénoncer le racisme qu’elles subissent.

Nous le savons depuis longtemps : les races n’ont aucun fondement biologique. Il n’y a qu’une seule race, la race humaine. De ce constat découle ce que l’on nomme les discours ou l’idéologie colorblind (littéralement l’aveuglement à la couleur), qui désigne « un idéal (ou une idéologie) selon le(la)quel(le) cette dernière [la race] ne jouerait pas (ou plus) de rôle structurant dans l’organisation de notre société ».

Ces discours se manifestent dans des phrases telles que « Pour moi, la couleur des gens n’est pas importante, ce sont les valeurs. » ; « Ça n’a pas d’importance pour moi d’être noire ou blanche, ce sont les compétences qui comptent. » ; « La couleur des gens n’a aucune importance, je ne la vois même pas, ça n’a aucune influence sur la manière dont je vais les voir ou agir avec eux. » ; etc.

Selon les tenants de cette idéologie, s’il existe encore aujourd’hui des violences et inégalités à caractère raciste, celles-ci s’expliqueraient principalement de deux manières :

• D’une part, elles sont le fait de certains individus racistes, déviants voire malades mentalement ;
• D’autre part, elles s’expliqueraient par d’autres facteurs que la race, et en particulier par des considérations de classe (« le vrai problème, c’est le néolibéralisme qui cause de la précarité, et donc le besoin d’un bouc-émissaire »), culturelles (« ça n’a rien à voir avec le fait qu’il ou elle soit Noir.e, mais ce sont des cultures différentes et c’est parfois compliqué du coup de s’intégrer dans une équipe »), le genre de la personne ou encore par tout autre facteur de différenciation (« C’est certainement qu’il aime ramasser les déchets et courir après un camion, rien à voir avec la racialisation du marché de l’emploi »).

Or, ce n’est pas parce qu’un concept – la race – est disqualifié sur le plan biologique qu’ilne continue de produire des effets dans le monde social (voir race et racialisation). Les discours colorblind sont donc une manière d’invisibiliser les violences et discriminations structurelles subies par les personnes qui subissent le racisme.

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Afin de justifier l’exploitation des populations esclavagisées et colonisées, les Européens ont progressivement mis en place une racialisation du monde. Les êtres humains ont été divisés en différentes races humaines hiérarchisées entre elles, chacune étant associée à des caractéristiques jugées inférieures par rapport à la race blanche située en haut de l’échelle.

Pour ne reprendre qu’un exemple, Carl Von Linné, au 18e siècle, classait les humains en 4 catégories principales : les Blancs – Européens (à l’esprit inventif et raisonné), les Rouges – Amérindiens (guillerets et attachés aux traditions), les Noirs – Africains (rusés et capricieux, enclins à suivre la volonté de leur maître) et les Jaunes – Asiatiques (hautains et bornés). L’entreprise coloniale s’est appuyée sur ces catégories – qu’elle a constamment cherché à renforcer – pour justifier la nécessité d’une mission de civilisation.
Durant plusieurs siècles, ces catégories et les imaginaires qui y étaient associées ont eu une place absolument centrale dans le développement des sociétés européennes, structurant leur fonctionnant, pénétrant les mentalités.

Rien ne laisse penser qu’il y a eu une quelconque rupture avec cette période de l’histoire, et donc avec tous les imaginaires qu’elle charrie. Ces derniers se retrouvent encore aujourd’hui partout dans la société (dans le folklore, les manuels scolaires, les médias, la publicité, l’espace public ou encore les livres pour enfants, dans les écoles, entre autres) et continuent d’avoir des impacts majeurs en termes de violences et discriminations structurelles. Mais également sur nos subjectivités individuelles, sur la manière dont nous interprétons le monde qui nous entoure.

La perception morale et individuelle du racisme – « le racisme est le fait d’individus pleins de haine, de peur et de stéréotypes » – implique que pour une personne qui se pense tolérante, il est inconcevable d’être mise en lien avec du racisme : le racisme, ce n’est pas moi car je suis une bonne personne. Et comme je n’ai aucune mauvaise intention, je ne peux pas être raciste.

Or, le racisme est un système historique de domination. Durant plusieurs siècles, en s’adaptant constamment, le système raciste a structuré nos sociétés. Les imaginaires et représentations racistes se sont insinués dans nos pratiques, dans nos réflexes, dans les valeurs qui organisent la société, mais également dans nos manières de penser le monde. Ainsi, comme le dit l’universitaire Mame-Fatou Niang, il ne s’agit pas d’affirmer que nous sommes toutes et tous racistes mais bien d’accepter que nous avons toutes et tous du racisme en nous, que nous avons intériorisé des schémas hérités d’une histoire de domination raciste. Ceci explique qu’en dépit des meilleures intentions du monde, nous sommes malgré tout susceptibles de véhiculer du racisme.

Dès lors, il importe de se concentrer non pas sur la question de savoir si tel ou tel individu est raciste, mais bien de toujours partir des effets produits par tels propos, telle attitude, telle règle. En se focalisant sur l’intention de départ, on occulte les effets produits. Certains propos ou certaines attitudes violentes peuvent être jugés neutres voire bienveillants, par des personnes qui, depuis leur position dominante, ne perçoivent pas nécessairement la violence produite. Il importe donc de déplacer le curseur et de se focaliser sur les effets produits.

L’étiquetage d’une personne non-blanche et les préjugés à l’égard de cette dernière se traduisent par de nombreux faits et gestes quotidiens, reproduits de manière souvent inconsciente et généralement invisible par les personnes d’autres groupes raciaux. A force de voir leurs comportements « expliqués » du fait de l’appartenance à certains groupes raciaux (« tu es en retard, tu es bon en sport, tu ne t’énerves jamais,... car tu es Afro-descendant.e »), à force de voir une société racialement hiérarchisée dans de nombreux secteurs (média, enseignement, soins de santé, justice, emploi, ...), à force d’être confronté.e à des obstacles plus hauts que ses camarades non-racisé.e.s, une personne non-blanche pourra, au fil du temps, intérioriser l’image que la société lui renvoie d’elle-même, rendre cette image réelle. En d’autres mots, une personne pourra adopter des comportements fidèles aux stéréotypes qui lui sont accolés.

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Jacinthe Mazzocchetti montre à quel point le placement en IPPJ de jeunes aux parcours difficiles poussent ces derniers et dernières à se dévaloriser et à se comporter, même des années après leur séjour en IPPJ, comme l’image qu’on leur a toujours renvoyée : des personnes « qui n’en valent pas la peine ». Cette image dévalorisante d’eux et d’elles-mêmes, ce stigmate social, se reflètent dans ces institutions par le personnel et en dehors de l’institution, dans les discours publics ou l’entourage. dossier

Une expérience psychologique menée par Kenneth et Clark fin des années 1940 aux Etats-Unis montre l’intériorisation du stigmate et la dévalorisation de soi par les enfants Afro-descendants grâce à un dispositif de poupées noires et de poupées blanches. A l’inverse, cette expérience montre la valorisation de soi des enfants blancs dès le plus jeune âge.

Plus récemment, l’expérience de Mirelle-Tsheusi Robert actualise cette expérience dans le cas belge pour questionner la figure du Père Fouettard.

Le racisme ne se limite pas aux seuls actes et discours de haine évidents. Il peut également prendre des formes plus insidieuses. Il peut même avoir l’apparence d’une posture bienveillante, sans qu’il n’y ait au départ la moindre mauvaise intention. Mais absence de mauvaise intention ne signifie pas absence d’effets violents.

Le paternalisme découle directement de la période coloniale durant laquelle les Européens blancs entendaient officiellement apporter la lumière et l’évolution à des populations incapables d’avancer par elles-mêmes.

Encore aujourd’hui, sous couvert de bons sentiments, le paternalisme infantilise, méprise, nie l’humanité des personnes qui le subissent. Il est notamment très présent dans les campagnes des associations de coopération au développement. Mais on le retrouve également dans le secteur de l’école, par exemple lorsqu’un.e enseignant.e présume que les parents d’un élève Afro-descendant ne parlent pas très bien le français et seront probablement moins aptes à l’aider dans son parcours scolaire. Et que sur cette base, cet.te enseignant.e décide d’orienter « pour son bien » cet élève vers une filière technique ou professionnel.

Par personnes racisées, nous entendons les personnes qui subissent négativement les effets du processus de racialisation. Ce terme ne renvoie donc en aucun cas à quelque chose de naturel ou d’essentialisant. Ce terme désigne les personnes qui vivent structurellement les violences et discriminations racistes, qui se voient altérisées sur base de leur appartenance – réelle ou supposée – à un groupe social.

Par exemple, les personnes perçues comme noires, asiatiques ou musulmanes sont racisées : elles sont assignées à un groupe social essentialisé auquel des caractéristiques inférieures et déshumanisantes sont accolées. Cette assignation débouche des violences et discriminations structurelles.

A noter que la racialisation touche aussi les personnes blanches : dans une société structurée autour de la blanchité, elles constituent la norme à partir de laquelle est définie l’altérité. Pour plus d’informations, aller voir également race et processus de racialisation.

Théorisé par la chercheuse Peggy McIntosh en 1989, le concept de privilèges blancs apparait bien plus tôt dans les travaux du sociologue africain-américain WEB Du Bois. Ils désignent les avantages et facilités qui bénéficient aux personnes perçues comme blanches dans une société structurée autour de la blanchité. Comme le résume Reni Eddo-Lodge, « (...) le privilège blanc, c’est vivre sans les conséquences négatives du racisme. Sans la discrimination structurelle, sans la conscience que votre race est toujours et avant tout perçue comme un problème, sans avoir « moins de chances de réussir à cause de votre race ». C’est vivre sans ces regards insistants qui vous font savoir que vous n’êtes pas à votre place, sans déterminisme culturel, sans la mémoire de la violence subie par vos ancêtres en raison de leur couleur de peau, c’est ne pas vivre sa vie entière marginalisé et aliéné, ne pas être exclu du grand récit de l’humanité. En décrivant et définissant l’absence de tout cela, on vient en quelque sorte bousculer le blancho-centrisme, on rappelle aux Blancs que, pour nous autres, leur expérience n’est pas la norme. » [5] .

Par exemple, si une personne blanche arrive en retard à une réunion de travail, ce retard ne risque pas d’être mis sur le compte d’un stéréotype à l’égard de son groupe social. Presque partout en Belgique, il est tout à fait possible, pour une personne blanche, de vivre sa vie entière sans avoir à penser ou être renvoyée de manière négative et humiliante à son appartenance raciale. Si elle le décide, une personne blanche peut décider que la race n’impacte pas sa vie et que le racisme ne la concerne pas. Une liberté psychologique qui permet de se concentrer sur d’autres tâches.

Ces avantages ne sont pourtant pas pensés comme tels par celles et ceux qui en bénéficient. Ils ne sont généralement pas pensés tout court. Ainsi, le premier privilège blanc, c’est de ne pas avoir à s’interroger sur ce que cela implique d’être blanc, de considérer son expérience sociale comme universelle.

N’hésitez pas à aller voir les tests qui existent pour se confronter et réfléchir à cette question des privilèges.

Progressivement à partir du 15e siècle, et plus encore à partir de la seconde moitié du 18e siècle, la race renvoie à la division de l’humanité en plusieurs races humaines hiérarchisées entre elles. Cette racialisation du monde, au sommet de laquelle se trouve l’homme blanc, a permis aux populations européennes de justifier et perpétuer l’oppression systématique des populations esclavagisées et colonisées. Nous savons aujourd’hui que les races n’existent pas biologiquement. Mais affirmer qu’un concept est inopérant sur le plan biologique ne fait pas disparaitre d’un coup de baguette magique les effets qu’il produit depuis des siècles. Certes, les races n’existent pas, mais la race existe en tant que processus.

Aujourd’hui, lorsque l’on parle de race, on parle du processus de racialisation, c’est-à-dire un processus historique qui classe les individus sur base de certaines caractéristiques arbitraires. Un processus qui distingue et hiérarchise les individus, qui sert de marqueur pour désigner les corps qui peuvent être infériorisés et déshumanisés. Pourtant, ce terme suscite des réserves, des craintes, voire des levées de boucliers. Utiliser le terme race, ce serait être raciste. Or, ce terme, dans son usage antiraciste, ne renvoie aucunement à une quelconque réalité biologique ou naturelle ni ne fait référence à un groupe défini ou à une identité figée (au contraire, par exemple, de l’origine ethnique). Elle est rapport social qui classe et hiérarchise les individus. Elle désigne la domination d’un groupe social sur un autre. En ce sens, la race n’est pas figée mais évolue. Elle est un signifiant flottant (Cf. Stuart Hall), c’est-à-dire qu’elle évolue et peut prendre des formes différentes en fonction du contexte et des époques.

Ainsi, à celles et ceux qui estiment que parler de race est raciste parce que cela divise les gens : cette division existe, et parler de race sert avant tout à nommer cet état de fait. Voilà pourquoi il faut nommer la race (d’autant que les autres termes et euphémismes utilisés à sa place, comme l’origine ethnique, la nationalité ou la couleur de peau, ne permettent pas de recouvrir la réalité historique de ce que la race recouvre). Il suffit d’observer pour voir la race. Quels sont les corps qui meurent dans les interactions avec la police ? Quels sont les corps qui occupent les positions professionnelles les plus précaires, les moins valorisées et les plus dangereuses ? Quels sont les corps qui meurent en Méditerranée ? Dans les banques, les universités ou même dans les associations, quels corps se retrouvent dans les postes de direction, au sein des équipes ou chargés du nettoyage ? Si vous entendez que l’école d’à côté est une bonne école, quels types de corps vous attendez-vous à y trouver ? Ici et aujourd’hui, être perçu.e comme blanc.he ou ne pas l’être entraine un vécu différent, que ce soit face à l’emploi, au logement ou à la police notamment. C’est cela la race : une construction sociale issue d’une violente histoire de domination qui continue aujourd’hui de structurer la vie sociale en assignant des individus à certains groupes sociaux infériorisés sur base de caractéristiques visibles ou imaginées.

Dans nos sociétés marquées par l’histoire de l’esclavage et de la colonisation, la race continue donc d’organiser la société et de désigner les corps qui méritent de vivre dignement et ceux qui peuvent être déshumanisés, encore et encore. Et surtout, la race permet d’invisibiliser ou de rendre ces inégalités acceptables : tous ces constats, même si nous les trouvons moralement inacceptables, ils ne nous étonnent pas. Car nous avons collectivement mémorisé la race, c’est-à-dire la manière dont la race impacte la position sociale – et donc le vécu au quotidien – des individus.

Illustration : selon le sociologue Eric Fassin, ce processus de racialisation est visible lorsqu’un jeune garçon africain-américain de cinq ans, Jacob Philadelphia demande à toucher les cheveux du président Barak Obama. En fait, ce garçon voulait vérifier si le Président avait bien les mêmes cheveux que les siens... Cela lui semblait incroyable qu’une personne avec les mêmes cheveux que lui soit à cette place de la société. C’est cela, la racialisation : à à peine cinq ans, un enfant s’étonne de la place d’une personne "comme lui" au poste de président. Cela sort de la perception du monde qu’il avait. Le processus de racialisation influence la position que l’on est supposé occuper dans l’échelle sociale.

Photo de Barack Obama et de l’enfant touchant ses cheveux [6]
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Le racisme est un système historique de domination. Dans une société comme la nôtre structurée autour de la blanchité, il ne peut pas y avoir de racisme anti-Blancs. Tout au plus y a-t-il des réactions, des insultes et des agressions à caractère racial. Par exemple, des insultes du type « sale blanc ». Toutefois, insistons sur plusieurs éléments :

  • les discours sur le racisme anti-blancs concernent des situations qui sont le plus souvent fantasmées : la plupart des personnes qui tiennent ces discours n’ont jamais vécu ce type de situation personnellement ;
  • ces actes présumés sont ponctuels et individuels : ils n’ont aucune dimension structurelle et collective , là où les violences et discriminations racistes subies par les personnes racisées sont structurelles et ont des impacts énormes tant sur le plan matériel qu’en termes de santé et de possibilité de vivre dignement ;
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  • rappelons enfin que ce type de discours émane de l’extrême-droite et qu’on les retrouve aujourd’hui au cœur des mouvements suprématistes blancs en Belgique et ailleurs.

Par exemple, une personne blanche en formation se plaignait de s’être vu refuser l’entrée dans un « salon de coiffure africain » à Bruxelles, au motif qu’ils ou elles ne coiffaient pas les blanches. Cela est certes déplaisant. Et légalement, c’est une discrimination. Mais politiquement, il importe de garder en tête que cela ne s’inscrit pas dans le cadre d’un rapport structurel d’oppression. Ainsi, cette dame pourra se rendre dans n’importe quel autre salon de coiffure sans rencontrer le moindre problème. Cette situation n’aura pas d’autre impact pour elle qu’une émotion personnelle désagréable. À l’inverse, la plupart des salons de coiffure en Belgique ne savent pas coiffer les cheveux des personnes afro-descendantes et, plus généralement, les imaginaires coloniaux autour de ce type de cheveux continuent de produire des micro-agressions et des discriminations structurelles.

Parler de racisme anti-blancs est donc problématique (cela masque tout le volet structurel et historique du racisme), dangereux (c’est un discours porté par l’extrême-droite) et indécent (quand on connait l’ampleur des violences et discriminations racistes subies par les personnes non-blanches, il semble déplacé de se plaindre d’incidents à caractère racial).

Dans l’imaginaire majoritaire, le racisme est le fait d’individus ayant des stéréotypes négatifs envers des individus perçus comme différents. Ces stéréotypes ainsi que les émotions de peur ou de haine envers la différence déboucheraient sur des actes et discours de haine.

Or, le racisme est un système historique de domination qui dépasse les individus et dont la matérialité ne se limite pas aux seuls actes et discours de haine manifeste. À côté de la dimension individuelle, le racisme a également une dimension institutionnelle et structurelle.

  • La dimension institutionnelle renvoie aux formes plus subtiles que peut prendre le racisme, et notamment les mécanismes et pratiques institutionnelles qui contribuent à produire des inégalités structurelles. Le concept de racisme institutionnel, théorisé par Stokely Carmichael et Charles Hamilton dans le contexte des luttes pour les droits civiques aux Etats-Unis, permet de comprendre que le racisme se retrouve également dans le fonctionnement routinier des institutions.
  • La dimension structurelle du racisme concerne la manière dont les rapports de pouvoir créent des groupes et structurent les relations entre eux. Cette dimension désigne la manière dont la société est organisée, et notamment les normes et valeurs autour desquelles la société s’articule.

Penser le racisme comme système permet d’appréhender le racisme en prenant en compte l’interaction entre ces différentes dimensions, tout en inscrivant cette approche dans l’histoire qui a vu le racisme émerger et se développer. Une prise en compte de ces différents éléments permet de comprendre le racisme comme étant :

  • un système historique de domination. Ce système évolue, s’adapte dans le temps et dans l’espace afin de se maintenir en place ;
  • un système qui crée et maintient une hiérarchie entre différents groupes sociaux
  • un système qui assure une répartition inégale des ressources, des opportunités selon la position raciale que l’on occupe ;
  • un système qui définit quels corps ont le droit de vivre dignement ;
  • un système, finalement, qui impacte au quotidien le vécu des individus ;

Ce processus cognitif, théorisé par le sociologue Erving Goffman dans les années 1960, désigne le fait de rendre positif un stéréotype, un stigmate, à la base négatifs ou destinés à nuire. En d’autres mots, il s’agit de s’emparer d’un stigmate social, d’un stéréotype négatif émis à son égard, pour en faire une source de fierté et une force de sa personnalité.

Illustrations

Elie Semoun a souvent été harcelé pour ses grandes oreilles. Petit, il gardait les cheveux longs pour les camoufler. Devenu comédien, il se coupe les cheveux et prend ses oreilles comme sujet de ses sketches.

Les cheveux des Afros-descendant.e.s ont d’abord été jugés comme devant être « domptés », c’est à dire tressés ou lissés. Depuis quelques années, la coupe « afro » fait de plus en plus d’adeptes : des cheveux laissés au naturel pour affirmer l’identité Afro-descendante.

Dans une analyse récente, Estelle Depris écrit que « les personnes exposées au racisme et aux abus discriminatoires dans les médias expérimentent une forme de « traumatisme racial », qui peut affecter de nombreux aspects de la vie ».

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D’après les travaux du docteur en médecine légale et professeur de psychologie de l’université de Columbia Robert T. Carter, « Le traumatisme racial (Race based Trauma), est défini comme une réaction traumatique à une accumulation d’expériences négatives liées au racisme. Les principales recherches (...) indiquent que les expériences de discriminations raciales sont susceptibles de provoquer des symptômes similaires à ceux du Stress post-traumatique » [7].

Parmi ces symptômes, nous retrouvons des insomnies et des cauchemars. Par ailleurs, « les personnes font preuve d’hypervigilance et établissent des stratégies d’évitement des situations négatives. Ce comportement, qui résulte du besoin d’éviter tout contact avec ce qui peut rappeler le traumatisme, se traduit le plus souvent par une sensibilité et une réactivité accrues. Ces deux exemples sont les signes d’une anxiété intense. On trouve également des symptômes de dépression car l’estime de soi est impactée avec des fortes pensées négatives chroniques ou épisodiques. Dans les formes les plus graves, on rencontre également une forme de dissociation psychique : une personne peut avoir une expérience hors du corps entraînant de lourdes pertes de mémoire. Enfin, la santé mentale se répercute au niveau physiologique, et le stress chronique participe à un affaiblissement physique global » [8]. De quoi rappeler que le racisme est un véritable enjeu de santé publique.

La victimisation/violence secondaire est un concept relevant du champ des sciences psychologiques et du domaine du trauma. Ce concept illustre le fait de subir un choc non pas dû au conflit en tant que tel, mais bien dû à la manière dont est géré le conflit par la suite, et en particulier aux réactions qui découlent de la prise de parole de la personne victime d’une agression qu’elle dénonce.

Dans le champ du racisme, cette violence secondaire peut se manifester dans de nombreuses situations : non-reconnaissance du trauma migratoire, non-prise en compte par la police des plaintes par des personnes racisées, faible condamnation pour des faits de violences racistes, criminalisation des victimes dans le cas de violences policières, ... Plus insidieusement, dans le monde du travail par exemple, lorsqu’une personne racisée dénonce auprès de son ou sa supérieur.e certains propos racistes d’un.e collègue, et que la direction réagit en ne donnant aucune suite, en relativisant voire en niant ces violences, on peut parler de victimisation ou violence secondaire.

L’image du white savior (sauveur blanc) est encore aujourd’hui largement utilisée par le secteur de la coopération au développement. Elle puise ses racines dans l’histoire coloniale durant laquelle les puissances européennes justifiaient l’exploitation et la violence par la nécessité d’une mission civilisatrice : il fallait venir en aide et apporter la civilisation à des populations inférieures et arriérées, incapables d’agir par elles-mêmes. Outre les campagnes des ONG, cette image du White Savior se retrouve régulièrement dans des films et séries à succès, dans l’attitude de certaines stars ou encore dans le tourisme humanitaire.

Dans les faits, cette image et les pratiques qui y sont associées contribuent encore aujourd’hui à reproduire et perpétuer les schémas coloniaux racistes et paternalistes. Cette posture très répandue réactive les représentations infériorisantes et déshumanisantes des populations non-blanches. Ces dernières ne sont pas sujettes de leur vie, elles sont passives, en attente. A l’inverse, la personne blanche est actrice, au centre de l’attention. elle veut être vue. Il n’est donc pas uniquement question d’effets négatifs découlant de bonnes intentions.

JPEG - 144.2 kio (MSF - « La propagande au ralenti », p.128 )