Racisme à l’Ecole : comprendre pour agir

Déni

Bien souvent, les personnes blanches ne supportent pas d’être bousculées dans leur confort racial. Lorsqu’elles sont mises en lien avec du racisme, cela suscite chez elles des émotions intenses (étonnement, colère, indignation, culpabilité) et des réactions prévisibles. Parmi ces dernières, l’argumentation et la justification : « non, ce n’est pas raciste, parce que... ».

Derrière les multiples arguments qui suivent le plus souvent (parce que je suis une bonne personne, parce que j’ai un ami noir, parce que ce n’était pas mon intention, parce que tu m’as mal compris.e, ...) se cache une compréhension extrêmement pauvre du racisme. Une vision morale, totalement déconnectée de l’histoire et des rapports sociaux de pouvoir. Le racisme devient principalement la peur ou la haine des différences, alors qu’il est un système de domination qui crée ces différences et les hiérarchise. Comment expliquer cette ignorance, en dépit du savoir existant ? Comment est-il encore possible de ne pas savoir ?

Cette ignorance découle notamment du vécu de domination lui-même : nous sommes, en tant que personnes blanches, socialisées de manière « à ne pas savoir ». En ne vivant pas l’oppression raciste et en grandissant dans une société modelée à notre image, nous nous trouvons isolées de toute violence structurelle liée à la race. Cela dit, pour le philosophe Charles Mills [1], cette ignorance blanche ne renvoie pas au seul fait de ne pas savoir dans le chef d’individus pris individuellement. Il s’agit plutôt d’un prisme, d’une manière de voir le monde, une sorte de « dysfonctionnement cognitif socialement avantageux » par lequel les sujets blancs se trouveraient « pris au piège d’une blancheur aveuglante éclipsant la réalité des rapports sociaux » [2].

Cette perception de l’ignorance ne doit pas pour autant nous sembler déresponsabilisante. Comme le rappelle Anne-Laura Stoler [3], le terme d’ignorance est étymologiquement lié au verbe ignorer, verbe actif qui désigne le fait de se détourner de quelque chose. Cette ignorance est entretenue car elle est nécessaire au groupe majoritaire pour préserver le statu quo. Ainsi, l’ignorance devient du déni, une ignorance entretenue.

Pour plus d’informations à ce sujet, lire le chapitre IV de cette publication et les sources qu’il propose.

Notes

[1Mills C.W.(2015), « Global White Ignorance », In Gross, M. and McGoey, L. (Eds) Routledge International Handbook of Ignorance Studies. Routledge. Abingdon

[2Cervulle, M. (2012), « La conscience dominante. Rapports sociaux de race et subjectivation ». Cahiers du Genre, 53(2), 37-54

[3Stoler A-L. (2010), « L’aphasie coloniale française : l’histoire mutilée », in Mbembe A., Vergès F., Bernault F., Boubeker A., Bancel N. & Blanchard P. (2010), Ruptures postcoloniales : Les nouveaux visages de la société française, Paris, La Découverte, p.68