
« Comme chez elle »
C’est bien souvent à l’école que des élèves non-blanc
he s prennent conscience du processus de racialisation. L’enseignement est un lieu où sont produites de multiples micro-agressions racistes.Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
C’est bien souvent à l’école que des élèves non-blanc
he s prennent conscience du processus de racialisation. L’enseignement est un lieu où sont produites de multiples micro-agressions racistes.Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Situation
Une enseignante aborde, dans son cours de géographie, les différents continents. « L’Asie et l’Europe, l’Amérique, l’Océanie, et voici l’Afrique, « comme chez elle » », ajoute-t-elle en regardant une élève afro-descendante. L’élève, née en Belgique, ne comprend pas pourquoi on la regarde comme ça et se met à pleurer. L’enseignante, désemparée, comprend que ses propos n’étaient pas adéquats mais ne sait pas quoi dire ni comment réagir. Elle essaie de dédramatiser : « Allons, allons, ce n’est pas grave ».
Analyse de la situation
Après les indépendances du Congo, du Rwanda et du Burundi, plusieurs vagues d’immigration en provenance de ces pays vont progressivement arriver en Belgique (en tant qu’étudiant
e s, dans le cadre du regroupement familial, via des demandes d’asile, ...) . Par ailleurs, « il faut le rappeler, l’inclusion des Congolais dans l’espace national belge, tout comme celle des Rwandais et des Burundais ne date pas de leur venue, ni de leur installation en Belgique puisqu’en tant que sujets du roi, les sujets coloniaux étaient belges » . D’où vient ce réflexe de pointer, encore aujourd’hui, comme « Africaine » ou « étrangère » une élève noire de la classe ? Pourquoi est-il toujours si difficile, aujourd’hui, d’être à la fois noir.e et Belge, tout simplement ?Aujourd’hui, des élèves de 2e ou 3e génération sont encore constamment assigné·e·s à l’extériorité, à l’étranger, à l’altérité, et ce y compris devant leurs camarades de classe. Cela se matérialise par des questions récurrentes telles que « D’où viens-tu » ou par des références à « chez toi », à « ton pays d’origine », à « ta culture ».
C’est d’ailleurs très souvent à l’école que les élèves raciséDans le podcast « Kiffe Ta Race », les invité.e.s doivent souvent expliquer à quel moment ils ou elles ont pris conscience qu’iels étaient noir e s ou non-blanc.he.s. Assez régulièrement, ils et elles relatent des épisodes à l’école...
e s sont pour la première fois renvoyé.es à une catégorie raciale, avec les impacts traumatisants que cela peut avoir en termes de construction identitaire. Comment parvenir à se construire dans un contexte où régulièrement l’élève est renvoyé.e aux projections et imaginaires racistes qui sont faits sur son corps.Dans cette situation, les larmes de cette élève en témoignent. À l’inverse, dans une société structurée autour de la blanchité, une personne perçue comme blanche aura le privilège de ne jamais vivre un tel trauma. Ainsi, à l’école comme ailleurs dans la société, le vécu n’est pas le même selon la position sociale que l’on occupe.
La réaction de l’enseignante démontre à quel point elle semble peu consciente de l’impact de ce type d’attitude qu’elle juge probablement a priori inoffensif et banal. C’est un simple réflexe pour elle que de regarder l’élève en question, car la race impacte son regard. Car consciemment ou non, elle projette un imaginaire sur ce corps. Elle semble ensuite se rendre compte que quelque chose ne va pas mais reste toutefois désemparée quant aux solutions à apporter, et choisit de relativiser la situation. Une réaction qui illustre la fragilité blanche face à l’inconfort racial.
Comme cette enseignante, en tant que personnes blanches, nous perpétuons tous
tes des remarques/propos/réflexes hérités d’une histoire longue et violente de racisme. La question ici n’est pas de s’empêcher de parler ni d’interagir, mais de savoir si nous sommes prêt e s à prendre conscience de l’impact que de tels propos ou comportements peuvent avoir, notamment en termes de santé mentale. Et, surtout, à être interpellé.es à ce sujet sans nous sentir offensé.e.