
En retard
Lorsqu’une personne Afro-descendante arrive en retard, cela renforce un stéréotype négrophobe sur le fait que « les Noirs sont toujours en retard ».
Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Lorsqu’une personne Afro-descendante arrive en retard, cela renforce un stéréotype négrophobe sur le fait que « les Noirs sont toujours en retard ».
Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Situation
« Les Blacks, de toute façon, ils sont tout le temps en retard ! ». Depuis qu’un élève Afro-descendant a entendu cette remarque dans la cour de récréation, il est le premier en classe tous les matins. Un jour, fin de semaine, la cloche sonne et il n’est toujours pas là. Il arrive en courant en classe, peu après la fermeture de la porte. « Tu es en retard aujourd’hui », commente l’enseignante. L’élève se met à pleurer et l’enseignante lui lance sur le ton de la rigolade « allons, pourquoi se mettre dans des états pareils, ce n’est pas grave, c’est bon pour une fois, mais fais attention la prochaine fois. »
Analyse de la situation
Un détour par l’histoire nous rappelle que durant la période coloniale, pour justifier officiellement sa présence en Afrique centrale, la Belgique parlait de mission civilisatrice : il s’agissait d’apporter la lumière, la connaissance et la civilisation à des populations présentées comme primitives, sauvages et incapables d’avancer seules. La paresse, l’immobilisme et le prétendu flegme des populations afro-descendantes étaient particulièrement mis en avant dans le cadre de la propagande coloniale, en contraste avec l’efficacité des Blancs . Ces imaginaires racistes étaient constamment véhiculés par la propagande coloniale afin de convaincre la population belge de la nécessité de cette présence coloniale. Il fallait par ailleurs justifier les violences inhérentes au système colonial via l’infériorisation des populations colonisées.
Or, nous l’avons vu, il n’y a pas eu de rupture avec cette histoire. On parle plutôt de continuum colonial : ces imaginaires ont, durant des décennies, profondément pénétré les structures sociales et les mentalités, sans que les décolonisations officielles ne s’accompagnent d’une décolonisation de nos sociétés. Aujourd’hui encore, ces imaginaires infériorisants à l’égard des personnes afro-descendantes continuent d’être largement partagés dans la société belge.
Face à ce type de préjugés très répandus, une stratégie de survie particulière peut être mise en place dans le chef des personnes afro-descendantes : tout faire pour ne pas confirmer ce stéréotype. Que ce soit à l’école ou sur le lieu de travail, il s’agira par exemple pour une personne Afro-descendante de ne pas arriver en retard, ou plus généralement d’être attentive afin d’éviter d’avoir des attitudes qui pourraient renforcer des stéréotypes à l’égard de ce groupe social. Cette stratégie (parmi d’autres), consciente ou pas, participe de ce que l’on appelle la charge raciale.
À l’inverse, dans une société structurée autour de la blanchité comme norme sociale, les personnes perçues comme blanches sont libérées de cet énorme poids psychologique. Elles n’entendront jamais par exemple, une employeuse dire « j’ai déjà engagé une fois une personne blanche, plus jamais ça ». De même, si une personne blanche arrive en retard en classe ou en réunion, ce sera pour toute une série de raisons (embouteillage, panne de réveil, personnalité, ...), mais pas en raison d’un stéréotype qui frappe l’ensemble du groupe auquel elle est assignée. Une personne blanche ne représente ainsi jamais son groupe social : elle est unique. À l’inverse, une personne noire qui arrive en retard aura tendance à renforcer des imaginaires existants et à susciter des réactions (blagues, remarques, insultes...) qui seront autant de micro-agressions et violences symboliques.
Le fait d’être ou non perçu.e comme blanc.he a des implications sur le vécu social des individus. Si l’on n’a pas conscience de ce qu’implique le fait d’être blanc.he dans notre société et des privilèges ou facilités que cela implique, on n’est pas en mesure de comprendre ce que cela implique de ne pas l’être (et en particulier le poids de cette charge raciale au quotidien et ses impacts en termes de santé). Pour en savoir plus, depuis avril 2020, un compte Instagram recense les témoignages et diffuse des articles pour expliquer le phénomène de charge raciale.
Dans cette situation précise, l’enseignante n’a pas conscience de ce qui se joue chez le jeune garçon : à ses yeux, il s’agit uniquement d’un enfant qui arrive en retard en classe. Il ne s’agit pas de remettre en question la mauvaise intention de la professeure mais bien d’insister sur un point particulier : dans notre société, nous n’avons pas la même expérience sociale selon que l’on soit perçu e comme blanc he ou pas. En ayant conscience de cela, l’enseignante pourra comprendre ce qu’il se passe et réagir d’une autre façon.