
C’est étonnant, il a de bon point
L’enseignement porte encore le poids de l’histoire coloniale. Cette situation aborde l’impact des préjugés raciaux, la dévalorisation des compétences intellectuelles des élèves non-blanc
he s et le déni face aux inégalités scolaires.Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
L’enseignement porte encore le poids de l’histoire coloniale. Cette situation aborde l’impact des préjugés raciaux, la dévalorisation des compétences intellectuelles des élèves non-blanc
he s et le déni face aux inégalités scolaires.Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Situation
Un enseignant corrige les copies de ses élèves. Il a l’habitude de classer les copies des meilleures aux moins bonnes notes. Au-dessus de la pile, il s’étonne de voir une copie d’un élève Afro-descendant. « Cela m’a étonné de voir qu’un élève noir avait de bons points » raconte-t-il à ses collègues dans la salle des professeur.es. Parmi ces derniers.ières, bien que cette remarque suscite un certain malaise, aucune réaction.
Analyse de la situation
Durant la période coloniale, les imaginaires coloniaux ont présenté les populations afro-descendantes comme étant sauvages et incapables d’avancer par elles-mêmes. Elles étaient le plus souvent perçues sous l’angle de la nature, du corps ou de la puissance physique, et non comme des personnes douées de raison.
Aujourd’hui, ces imaginaires sont loin d’avoir disparu. Par exemple, les stéréotypes liés à la puissance des hommes noirs et aux capacités stratégiques des hommes blancs sont révélateurs dans le monde du football. Il ressort d’une étude de la KUL que, malgré l’absence de preuves scientifiques sur des capacités physiques différentes en lien avec la race, les joueurs blancs incarnent les rôles demandant des capacités de stratégie et de leadership, tandis que les joueurs noirs sont placés principalement aux postes qui demandent de la vitesse et de la force.
Illustration : Les stéréotypes liés à la puissance des hommes noirs et aux capacités stratégiques des hommes blancs sont révélateur dans le monde du football. Il ressort d’une étude de la KUL que, malgré l’absence de preuves scientifiques sur des capacités physiques supérieures en lien avec la race, les joueurs blancs incarnent les rôles demandant des capacités de stratégie et de leadership, tandis que les joueurs noirs sont placés principalement aux postes d’attaquants, demandant vitesse et force .
Ils continuent au contraire d’être largement présents dans la société, y compris au sein du monde de l’enseignement. Une récente étude d’Unia met en lumière des constats inquiétants en termes d’(in)égalité scolaire. Ce rapport indique qu’au niveau de l’enseignement fondamental, les élèves « étrangers hors Union Européenne » sont principalement présents dans les écoles à faible indice socio-économique. Au niveau secondaire, en Fédération Wallonie-Bruxelles, il y a une surreprésentation des élèves dits étrangers dans les formes techniques et professionnelles. Ces constats illustrent d’une part la hiérarchisation des établissements scolaires et d’autre part, la racialisation de l’enseignement.
Ainsi, il apparait aujourd’hui que les jeunes racisé.es sont plus rapidement orienté.es vers des filières techniques et professionnelles. Cela s’explique par différents stéréotypes. Par exemple, les stéréotypes et imaginaires relatifs au corps, à la puissance et à la force des personnes afro-descendantes, qui seront plus rapidement orientées vers le sport ou les travaux manuels plutôt que vers l’université. Un focus sur les corps, au détriment des aptitudes cérébrales qui impacte fortement le parcours scolaire et donc les orientations professionnelles futures.
Ainsi, qu’ils soient conscients ou non, les réflexes et imaginaires coloniaux se retrouvent également au sein des conseils de classe et d’orientation. Plusieurs personnes interrogées dans le cadre d’une récente étude menée par Mireille-Tsheusi Robert nous ont ainsi rapporté des anecdotes survenues dans le cadre de conseils de classe, tant en école secondaire qu’à l’Université, où les stéréotypes racistes impactaient clairement certaines décisions.
Des décisions prises en conseil de classe par exemple, bien souvent pour « orienter les élèves vers des filières qui « leur correspondent mieux » ». Ceci afin de les « aider » et de leur « faciliter » la tâche pour l’avenir. Apparait ici le paternalisme qui traverse encore notre système d’enseignement. À l’inverse, il semble que les élèves blanc he s soient plus facilement poussé e s à développer leurs compétences académiques et à définir leurs aspirations propres. Si un élève blanc est en difficulté scolaire, ce sera pour différentes raisons, mais sa race sociale n’en sera pas une.
Bien entendu, il s’agit le plus souvent de mécanismes inconscients – du moins, nous pouvons l’espérer. Dans les formations que nous donnons aux professeur.es, ces constats suscitent souvent une forme de résistance, voire de réelle indignation : « nous sommes là pour aider les élèves, pas pour les discriminer, et à nos yeux, tous les élèves sont égaux, qu’importe leur couleur de peau ». C’est ce qu’on appelle l’idéologie colorblind.
Le silence et la solidarité blanche
Cette situation illustre également un autre aspect important du système raciste : la solidarité blanche. En effet, lorsque le professeur s’exprime en ces termes dans la salle des profs, aucun.e des collègues présent.es ne réagit, et ce malgré le malaise évident que ses propos suscitent.
Ce silence peut s’expliquer par de nombreuses raisons, qu’il s’agisse d’avoir peur de blesser un collègue, de se faire mal voir ou encore d’instaurer une mauvaise ambiance (fragilité blanche). Mais politiquement, ce silence a une fonction sociale : celle de ne pas remettre en cause, et donc de cautionner, des imaginaires racistes largement répandus.
Les luttes féministes ont largement démontré que la culture patriarcale se perpétue aussi dans les espaces d’entre-soi masculins. Il en va de même en ce qui concerne le racisme. Or, rappelons que dans le corps enseignant et au sein des directions d’écoles, la grande majorité des personnes sont blanches. Dans de nombreuses écoles, il s’agit d’espaces d’entre-soi blancs. Il y a donc un enjeu majeur à réagir, à ne jamais cautionner de propos racistes.