
Saint-Nicolas et Père Fouettard
Pour comprendre pourquoi la figure de Père Fouettard – et plus généralement la pratique du Blakface, ou barbouillage – est raciste, il importe de ne pas désarticuler cette pratique de l’histoire qui l’a vue émerger et des impacts qu’elle produit encore aujourd’hui.
Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Pour comprendre pourquoi la figure de Père Fouettard – et plus généralement la pratique du Blakface, ou barbouillage – est raciste, il importe de ne pas désarticuler cette pratique de l’histoire qui l’a vue émerger et des impacts qu’elle produit encore aujourd’hui.
Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Situation
6 décembre. Le Grand Saint-Nicolas arrive dans la cour, accompagné de Père Fouettard. Le Grand Saint distribue les cadeaux et les récompenses. De son côté, Père Fouettard est représenté par une personne blanche ayant le visage grimé en noir, avec des lèvres rouges. La direction, interpellée sur le caractère raciste du blackface par certains élèves, ne voit pas où est le problème : « On a toujours fait comme ça ! Et puis, Père Fouettard, c’est une tradition... C’est un ramoneur à la base, il n’y a rien de raciste là-dedans ! »
Analyse de la situation
Initialement, le personnage de Père Fouettard avait une connotation biblique et représentait une sorte de croquemitaine. À partir du 16e siècle, il devient intimement lié aux imaginaires et pratiques esclavagistes et coloniaux. Les vêtements, les cheveux, les boucles d’oreille, les lèvres, un rapport de domination avec Saint-Nicolas, ... autant de caractéristiques qui illustrent la racialisation de ce personnage. La figure de Père Fouettard s’inscrit plus généralement dans la pratique du « blackface » - que l’on peut traduire en français par barbouillage. Il s’agit de pratiques folkloriques par lesquelles les personnes blanches se griment le visage pour « se déguiser » et se moquer des Noir e s : « les traits de l’amusement, de la bêtise sont ajoutés à la figure noire du servant » . De nombreuses recherches détaillent le rôle historique de cette pratique humiliante dans le maintien de l’oppression raciste, tant sur le sol états-uniens que sur le territoire européen .
Concrètement, outre le fait qu’il s’agisse d’une pratique historiquement raciste, en se grimant le visage et en se déguisant avec tous les stéréotypes racistes historiquement et structurellement accolés aux personnes noires, les blancinvisibilisent, nient et rigolent de toutes les conséquences induites par le fait d’être perçu aujourd’hui : les insultes et moqueries, les violences et assassinats policiers, les discriminations à l’emploi ou au logement, l’invisibilisation, l’infériorisation, etc... La personne blanche, elle, une fois la fête terminée, se démaquillera, ôtera ses vêtements et ne subira aucune de ces violences structurelles. e comme Noir e
he sPlus spécifiquement, l’ASBL Bamko-Cran a démontré que des personnages comme celui de Père Fouettard ont des impacts extrêmement violents sur la manière dont les enfants se construisent, notamment en se conformant à ces stigmates. Ce personnage renforce les stéréotypes véhiculés socialement sur les Afro-descendant e s dans la société, avec des impacts majeurs sur l’estime de soi et la construction identitaire de ces enfants (voir vidéo ci-dessous).
Dans ce type de débat, de nombreuses explications sont avancées pour justifier cette pratique et la perpétuer légitimement en tentant de démontrer son caractère non-raciste. On qualifie par exemple le Père Fouettard de ramoneur couvert de suie. Un argument qui n’explique pas pourquoi ses vêtements ne sont pas eux aussi couverts de suie, ni pourquoi ce ramoneur a les cheveux crépus, les lèvres rouges et des vêtements rappelant la tradition des pages africains, serviteurs de la noblesse durant la Renaissance. Il n’y a peut-être pas d’intention à perpétuer le racisme, mais il est absolument essentiel de ne pas désarticuler le racisme de l’histoire dans laquelle il s’inscrit et des violences qu’il produit dans la société aujourd’hui (continuum colonial).
Faire la fête autrement, les traditions évoluent : Laura Nsengiyumva, une artiste bruxelloise, s’est mise dans la peau du grand Saint en créant le personnage « Queen Nikkolah ». Ce personnage se déplace sans serviteur, accueille les enfants sages et moins sages et propose une réflexion sur l’évolution possible du folklore belge.
Une ignorance entretenue
Le constat aujourd’hui, c’est que la grande majorité des gens qui refusent les critiques à l’encontre de Père Fouettard ou de figures comme le Sauvage de Ath ne sont généralement pas capables de donner les arguments sur lesquels reposent ces critiques. Pourquoi ne se renseignent-ils.elles pas ? Pourquoi le seul fait que tant de citoyen
ne s se disent offensé e s, humilié e s par cette pratique et en soulignent la violence ne suffit-il pas à s’interroger à ce sujet ? Comment expliquer qu’une pratique ayant des impacts aussi violents sur des enfants ne débouche-t-elle d’office, au moins, sur un réel débat public ?Il importe de se poser la question : de quoi ces personnes ont-elles peur ? De quoi avons-nous peur ? Pourquoi la figure de Père Fouettard devient-elle si importante dès lors qu’elle est remise en cause ?