
« Tu viens d’où ? »
Pourquoi la question des dites « origines » intéresse-t-elle tant ? Cette situation aborde le renvoi permanent des personnes non-blanches, exclues de la blanchité, à l’étranger, au lointain, à l’exotique, à l’altérité.
Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Pourquoi la question des dites « origines » intéresse-t-elle tant ? Cette situation aborde le renvoi permanent des personnes non-blanches, exclues de la blanchité, à l’étranger, au lointain, à l’exotique, à l’altérité.
Rappel des balises à avoir en tête : 1/ ne jamais déconnecter le racisme de l’histoire qui l’a vu émerger, évoluer et s’adapter, 2/ l’école n’est pas une bulle située en dehors de la société, il importe donc de prendre en compte le contexte social pour analyser ce qui se passe à l’école, 3/ dans cette situation, il faut constamment se demander qui parle, de qui et depuis quelle position, et enfin 4/ il est essentiel de garder en tête les impacts du racisme sur les vécus, émotions et ressentis individuels.
Situation
Septembre, jour de la rentrée des classes. Une enseignante découvre sa classe et ses élèves. Elle pose la liste des prénoms et noms de famille sur son bureau. Elle prend les présences en parcourant rapidement cette liste et s’arrête lorsqu’un prénom a une connotation étrangère. Elle souligne alors, à chaque fois, le fait que ce nom est compliqué à prononcer et demande à l’élève en question de le prononcer correctement. À ces élèves, elles leur demandent également d’où ils et elles viennent ».
Analyse de la situation
Une question paraissant relativement banale peut avoir des effets violents selon la position que l’on occupe. C’est le cas de cette question « tu viens d’où ? », qui parait anodine, qui se veut souvent bienveillante mais qui peut constituer une micro-agression raciste, notamment de par sa récurrence et son renvoi à l’étranger, à l’altérité, à l’exotisme. Lorsque l’on pose cette question à quelqu’un.e, c’est parce que son corps nous dit que cette personne vient d’ailleurs. Comme s’il était encore aujourd’hui impossible d’être noir.e et belge.
De nombreuses personnes racisées expliquent avoir pris conscience de cette facette de leur identité via cette question posée à l’école.
Ainsi, ce type de question participe à la perpétuation de l’assignation identitaire des personnes perçues comme non-blanches. Pourtant, lorsque le caractère problématique de cette question est mis en avant, les personnes blanches ont souvent des réactions de ce type : « ce n’est pas du tout mon intention, je pose cette question avec grand intérêt ». De quoi rappeler ici deux choses : d’une part, la question du racisme ne doit pas être abordée depuis l’intention individuelle mais bien en termes d’impacts produits. D’autre part, si, en tant que personne blanche, nous ne comprenons pas où est le problème, ceci est lié à notre position sociale : en tant que blanc.he, il est très rare qu’on nous pose la question « tu viens d’où ? ». Et lorsque c’est le cas, par exemple en vacances ou dans le cadre d’une activité professionnelle à l’étranger, cette question ne s’accompagne pas d’un imaginaire déshumanisant.
Plus généralement, cette situation traduit la différence de vécu selon que l’on fasse partie de la norme ou que l’on en soit exclu.e. Dans une société structurée autour de la blanchité, les personnes perçues comme blanches ne sont pas supposées avoir des origines ni venir de quelque part. Elles sont à leur place. Leur présence ne pose pas de question : elle est normale. Dans tous les endroits de la société qui sont perçus comme « normaux » ou valorisés socialement, les personnes blanches sont à leur place et leur présence ne suscitera pas l’étonnement. À l’inverse, visiblement, les personnes exclues de cette norme ne sont pas tout à fait supposées être là. Et si elles sont là, elles viennent malgré tout de quelque part, d’ailleurs. Leur présence pose question, que ce soit à la tête d’une entreprise, en première classe dans un train, sur les plateaux télé ou encore à la direction d’une école.
Or, le fait d’être à sa place ou de constamment se voir rappeler que ce n’est pas nécessairement le cas a des implications énormes sur le plan psychologique (voir charge raciale). C’est d’autant plus le cas lorsqu’il s’agit d’enfant ou jeunes gens en plein processus de construction identitaire.